Réflexions transatlantiques sur la philanthropie : les grands thèmes du forum du Beacon Collaborative au Royaume-Uni

Table des matières

1. Stratégie de philanthropie axée sur le lieu
2. Libération de capitaux grâce aux impôts, à la création de richesse et à la philanthropie
3. Relèvement des normes quant aux dons d’entreprise et en milieu de travail
4. Le Royaume-Uni comme plaque tournante de la philanthropie et comme endroit où laisser son empreinte
5. L’absence de la politique américaine sur la scène principale

Le 12 février dernier, Michele Fugiel Gartner, chercheuse en chef de FPC, a participé au forum du Beacon Collaborative, à Londres, qui a rassemblé 250 philanthropes, investisseurs d’impact, leaders du secteur philanthropique, professionnels de la finance durable, dirigeants d’organisations caritatives, responsables de politiques, universitaires, membres de groupes de réflexion, chargés de réglementation et représentants des médias.

En tant que proche partenaire du Royaume-Uni, le Canada a beaucoup à gagner à regarder plus loin que les États-Unis pour des perspectives philanthropiques. Bien que la philanthropie américaine domine souvent les discussions, le Royaume-Uni offre des approches distinctes qui peuvent orienter la pratique canadienne, en particulier en ce qui concerne les politiques innovantes, l’investissement d’impact et la collaboration intersectorielle.

Voici les cinq grands thèmes qui sont ressortis.

1. Stratégie de philanthropie axée sur le lieu

Le gouvernement britannique, par l’intermédiaire du ministère de la culture, des médias et du sport (DCMS), met en œuvre une stratégie de philanthropie axée sur le lieu dans le cadre des objectifs généraux des Travaillistes pour la philanthropie, qui consistent à mettre en relation les diverses parties prenantes, à libérer des capitaux et à souligner les histoires de philanthropie au Royaume-Uni, comme en témoigne le pacte de la société civile (Civil Society Covenant) à venir.

Une caractéristique clé de la stratégie de philanthropie axée sur le lieu annoncée en décembre 2024 est le renforcement des relations entre les détenteurs de patrimoine, les sociétés, les administrations locales et les communautés (Civil Society, 2024). Bien que certaines personnes puissent avoir quitté leur ville natale, elles pourraient toujours s’y sentir liées et vouloir redonner à leur communauté. La stratégie de philanthropie axée sur le lieu demande aux donateurs britanniques de tenir compte de la façon dont leurs dons peuvent soutenir le développement économique et social. Des exemples comme Made in Stoke, une communauté de 10 000 personnes qui contribuent à la régénération de Stoke-on-Trent, illustrent comment des personnes, des sociétés, des administrations locales et la philanthropie peuvent travailler ensemble à la transformation.

Bien que l’Amérique du Nord ait une tradition de fondations communautaires plus ancienne, les fondations communautaires britanniques sont des parties prenantes essentielles d’une stratégie axée sur le lieu et elles sont destinées à croître. Un seul contre-argument a été présenté, qui demandait si l’accent mis sur les dons locaux pourrait involontairement désavantager la philanthropie internationale, qui est particulièrement importante depuis l’abolition du financement de USAID. Un nouveau thème est de veiller à ce que la philanthropie axée sur le lieu ne déloge pas les dons mondiaux.

La ministre Peacock, chargée de la société civile et de la jeunesse, a partagé ses observations lors du forum, que vous pouvez lire ici : https://www.gov.uk/government/speeches/minister-peacock-speech-at-the-beacon-philanthropy-and-impact-forum.

2. Libération de capitaux grâce aux impôts, à la création de richesse et à la philanthropie

L’intérêt envers la libération de capitaux a été abordé dans une table ronde discutant de l’intersection de la politique fiscale, de la création de richesse et de la philanthropie. Le thème prédominant était la simplicité : comment faciliter les dons pour les détenteurs de patrimoine en rationalisant les outils philanthropiques, comme Gift Aid, les dons par prélèvements sur salaire et « Share Aid ».

La prochaine génération et le transfert de la richesse sont également ressortis comme étant une question centrale. Bien qu’on ait beaucoup écrit sur un imminent transfert majeur de la richesse, le consensus était qu’une segmentation plus nuancée de la « prochaine génération » et un calendrier plus réaliste pour le transfert de la richesse sont nécessaires. La compréhension de ces transitions générationnelles quant à la richesse et des changements d’attitudes à l’égard de la philanthropie sera indispensable pour assurer des dons durables au Royaume-Uni, ce qui pourrait être soutenu par une éducation plus poussée au primaire et au secondaire sur la valeur des impôts et son intersection avec les dons.

3. Relèvement des normes quant aux dons d’entreprise et en milieu de travail

Les discussions du forum ont souligné la nécessité de promouvoir les dons d’entreprise et en milieu de travail pour assurer un impact plus stratégique et durable. Bien qu’il existe des programmes de dons par prélèvements sur salaire et de bénévolat d’entreprise, il a été noté qu’ils sont sous-utilisés et fragmentés. Les participants ont souligné le rôle de la direction dans l’intégration de la philanthropie aux valeurs des entreprises pour passer de dons transactionnels à des partenariats à long terme avec des organisations caritatives. On a également discuté de l’alignement des efforts philanthropiques des entreprises sur les besoins communautaires pour augmenter l’impact à long terme.

Le bénévolat d’entreprise, qui soulève des préoccupations au sujet du fardeau de gérer des programmes de bénévolat à court terme ou à roulement élevé imposé aux organisations caritatives, était un autre sujet clé. Quelques participants ont indiqué que des partenariats durables entre les entreprises et les organismes à but non lucratif pourraient aider à résoudre ce problème en favorisant la compréhension mutuelle et une mobilisation plus efficace. De manière générale, il a été reconnu que les dons en milieu de travail jouent un rôle dans la responsabilité des entreprises, mais que des efforts supplémentaires pourraient être nécessaires pour accroître leur efficacité et leur durabilité.

4. Le Royaume-Uni comme plaque tournante de la philanthropie et comme endroit où laisser son empreinte

La promotion de la philanthropie comme élément essentiel de la priorité gouvernementale du Royaume-Uni, à la fois en termes de dons nationaux et de lieu où laisser son empreinte philanthropique, était un autre thème central. L’infrastructure pour les dons importants est déjà en place, que ce soient la Charity Commission, l’implication du gouvernement, les services consultatifs sur la philanthropie ou les incitatifs fiscaux.

Il a été notamment discuté de l’opportunité pour le Royaume-Uni d’adopter pour les fondations philanthropiques une exigence de déboursement minimal semblable au seuil de 5 % au Canada et aux États-Unis. Bien que certains y soient favorables pour encourager les fondations qui sous-utilisent leurs fonds à agir, d’autres ont mentionné des études montrant que la plupart des fondations britanniques atteignent déjà volontairement un seuil de dépenses de 5 %. Un autre argument était de ne pas sacrifier le présent pour le futur. Plutôt que des lois générales, des interventions plus ciblées (comme les études et les données de la Charity Commission sur les fondations qui sous-utilisent leurs fonds) ou d’autres mécanismes (comme une approche de rendement global tenant compte à la fois de l’investissement social et des pourcentages d’octroi de subventions d’une fondation) pourraient refléter une approche moderne (reflétant la nouvelle approche de rendement global des investissements pour les fiduciaires) et éviter une politique générale enchâssée dans la loi.

5. L’absence de la politique américaine sur la scène principale

Bien qu’il y ait eu des discussions sur les politiques américaines dans des petits groupes et des conversations informelles, elles brillaient par leur absence sur la scène principale. Il se peut qu’on ait délibérément choisi de se concentrer sur l’approche distincte du Royaume-Uni en matière de philanthropie, nous donnant ainsi un répit des perspectives sur les dons centrées sur les États-Unis souvent dominantes.

Cependant, il n’en demeure pas moins que les marchés philanthropiques mondiaux sont profondément liés. L’incertitude et la complexité persistent, même si la philanthropie britannique met de l’avant des thèmes comme les liens entre les parties prenantes, la libération de richesse et la célébration de l’impact philanthropique. Il a été reconnu qu’un dialogue continu entre les régions est essentiel, pas seulement pour partager les meilleures pratiques, mais aussi pour participer à une création collective de sens concernant l’évolution du rôle de la philanthropie pour surmonter les défis mondiaux.

Le forum du Beacon Collaborative a rassemblé différentes parties prenantes, chacune jouant un rôle dans la philanthropie, et a fait ressortir la nécessité de sortir des vases clos sectoriels et de participer à des discussions plus larges sur le rôle de la philanthropie dans une réalité mondiale émergente. Du point de vue du Royaume-Uni, il reste du travail à faire pour inciter les personnes fortunées, les sociétés et les milieux de travail à donner plus. Les stratégies axées sur le lieu et les fondations communautaires montrent des voies à suivre cruciales pour mobiliser les donateurs de façons personnellement significatives et transformatrices pour les communautés. Il y a différents leviers à actionner, façonnés par les contextes contemporains et les différences culturelles. En comprenant comment d’autres pays abordent la philanthropie, on peut acquérir des connaissances précieuses qui peuvent alimenter la réflexion sur le paysage philanthropique canadien et l’améliorer.