Entrevues Une vision pour l’avenir : Jean-Marc Mangin Jean-Marc Mangin Entrevues 11 mins read 7 Avr 2022 Nouvelles et perspectives Entrevues Une vision pour l’avenir : Jean-Marc Mangin Alors que le monde qui nous entoure change, le secteur social à but non lucratif et de la bienfaisance s’adapte. La philanthropie doit faire de même. Notre secteur constitue une facette fondamentale de la société civile et nous renouveler est une priorité. Le statu quo ne suffit pas. Les inégalités sont omniprésentes dans nos collectivités, et il y a des défis mondiaux qui nous imposent d’intensifier notre action si nous voulons les relever. Dans sa nouvelle série de publications, « Une vision pour l’avenir », FPC a demandé à des dirigeants d’organismes sans but lucratif de nous faire part de leurs perceptions de la situation actuelle de notre secteur, de son rôle et de la direction qui doit être prise pour son futur. Nous présenterons régulièrement de nouveaux témoignages, à la fois sous forme de billets de blogue et de balados, tout au long du printemps 2022. Quelles sont les trois choses qui vous motivent aujourd’hui dans le secteur de la bienfaisance et le secteur des organismes à but non lucratif? Notre secteur favorise le capital social qui rassemble les citoyens dans leurs collectivités partout au pays. En cette ère de polarisation militante et de profondes divisions – où trop d’entre nous se sont retirés dans leurs chambres d’écho – le travail collectif soutenu par le secteur est plus important que jamais pour le bien-être de nos collectivités et la santé de notre démocratie libérale. Et au sein du secteur, les fondations philanthropiques jouent un rôle unique. Leur autonomie et leur indépendance leur permettent de rester impliquées dans les dossiers sur le long terme. Contrairement aux gouvernements, les fondations ne sont pas soumises à des élections; contrairement aux entreprises privées, elles ne doivent pas composer avec des actionnaires tous les trimestres. La faculté de faire preuve de souplesse lorsque des problèmes surgissent et de rester impliqué lorsque les problèmes disparaissent de l’actualité est un pouvoir particulier. Les fondations exercent leur influence de diverses façons : grâce aux subventions qu’elles octroient, à leurs investissements, à leur pouvoir rassembleur, à leurs réseaux et à l’aide qu’elles fournissent à leurs partenaires pour joindre les Canadiens et tous les décideurs concernés. Comme on compte 10 000 fondations au pays, le potentiel d’ingéniosité et d’innovation sociale est énorme. Le fait de disposer d’un large éventail d’acteurs dans la société civile grâce à un modèle réparti de prise de décisions signifie que des personnes de tous les milieux peuvent participer à la résolution des problèmes ainsi que mettre à profit leurs propres perspectives, compétences et ressources. Le caractère pluraliste des initiatives philanthropiques favorise les rapports interpersonnels qui rendent le Canada plus résilient et plus inclusif. Et lorsque les fondations collaborent en réseau, les réussites profitent à tous de façon efficace et rapide, et créent une société plus agile, intelligente et dynamique. Compte tenu de la nature complexe des défis existentiels auxquels le monde fait face, un secteur à but non lucratif et de bienfaisance sain n’est pas une bonne chose à avoir. C’est une nécessité. Quels sont les trois éléments qui doivent évoluer pour créer une communauté philanthropique plus durable pour tous les habitants du Canada? L’accès équitable aux ressources de bienfaisance doit être renforcé au Canada. Au Canada, les revenus issus de la philanthropie représentent 66 % et ils sont versés à 1 % des organismes de bienfaisance. La qualité de nos données est faible, et les meilleurs rapports réalisés actuellement indiquent que les initiatives dirigées par les communautés autochtones et noires reçoivent moins de 1 % des fonds issus de la philanthropie. Ces communautés représentent près de 10 % de la population canadienne, mais comptent aussi parmi les groupes les plus vulnérables et marginalisés. Il ne s’agit pas d’une distribution des fonds saine ou efficace basée sur les besoins. La situation exige une réalité matérielle plus équilibrée pour l’ensemble de notre secteur. En outre, de plus en plus de bailleurs de fonds au Canada doivent passer d’une approche par projet à un financement de programme pluriannuel et sans restriction. Il est évident que les résultats de ces approches ont une plus grande incidence. Elles nécessitent de passer d’un modèle bailleur de fonds-bénéficiaire à un partenariat basé sur le respect et la confiance. Ces acteurs ont une relation étroite avec les collectivités et leurs défis, de même qu’une réelle expertise largement inexploitée. En retour, il est important que les fondations passent par un processus d’introspection pour s’assurer qu’elles comprennent et représentent bien ces perspectives. L’équité, la diversité et l’inclusion ne sont pas des valeurs maternelles : elles nécessitent d’évaluer la gouvernance, le personnel, les programmes et les processus internes. J’ai confiance que de nombreuses fondations travailleront d’arrache-pied pour intégrer ces valeurs dans leur propre milieu. Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir alors que nous continuons notre lutte contre la COVID-19? Nous avons pu observer une grande vague de solidarité partout au Canada, et c’est très encourageant. En tant que société, il est incroyable de voir toutes les ressources scientifiques et communautaires que nous avons mobilisées durant la pandémie. Les adultes canadiens sont vaccinés à 90 % et les principaux messages de santé publique ont été bien reçus par la population, au niveau communautaire et des politiques publiques. Cela dit, il est quand même tragique de penser que 35 000 personnes sont mortes de la COVID-19. Et nous sommes tous exténués. De toute évidence, l’élan de solidarité s’essouffle. N’oublions pas les leçons de solidarité que nous avons tirées des premières vagues de la crise. Nous ne sommes pas encore sortis du bois, malgré la fatigue. La COVID-19 n’en a pas encore fini avec nous. D’autres problèmes majeurs nécessitent notre attention, comme les changements climatiques et la guerre en Ukraine, mais les personnes vulnérables au Canada ne peuvent être laissées pour compte alors que nous tentons de sortir de cette pandémie. Ce n’est pas encore terminé. Et nous ne devons pas oublier les leçons que nous avons apprises à la dure. Si vous pouviez changer une chose dans le secteur des organismes à but non lucratif, ce serait quoi? Qu’il ressemble davantage au Canada. Qu’il reflète sa diversité. Non seulement c’est la bonne chose à faire, mais c’est aussi la plus intelligente. La philanthropie et les secteurs plus larges en bénéficieraient grandement. Qu’est-ce qui ne changerait pas? La nature de la philanthropie c’est l’amour pour l’humanité. C’est le capitaine et il doit toujours être parmi nous. J’ai vécu de nombreuses années en Afrique. La philosophie Ubuntu m’a beaucoup influencée ainsi que les mots du regretté évêque Desmond Tutu : Je suis car vous êtes. Cette philosophie incarne l’idée que les humains ne peuvent pas vivre en isolement. Nous dépendons de nos relations, de la communauté et de la bienveillance; nous ne pouvons tout simplement pas nous passer les uns des autres. Quelle est l’importance des fondations pour le bien-être des Canadiens? Les fondations sont importantes, mais ne surévaluons pas leur portée et leur rôle. Au Canada, les fondations n’engrangent pas la majeure partie des revenus versés aux organismes de bienfaisance et à but non lucratif. Les revenus viennent pour la plupart du gouvernement et des particuliers par l’entremise de dons et d’achats de services. Toutefois, les fondations sont une source essentielle de financement de programmes et d’activités que le gouvernement ou la moyenne des donateurs ne veulent pas financer directement, comme la défense des droits et le travail d’élaboration de politiques, de même que les nouveaux programmes novateurs. Les fondations permettent de combler l’écart en tant que sources principales de capital de risque social. Nous avons pu l’observer dans l’engagement à long terme des soins aux enfants, l’éducation en services de garde ainsi que dans l’élaboration des politiques d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces changements. En demeurant engagées, les fondations ont permis de soutenir le travail des organismes communautaires et des chercheurs afin de faire passer ces idées vers le grand public. Quelles sont les enjeux les plus urgents auxquelles le gouvernement doit porter attention à l’heure actuelle en ce qui concerne le secteur philanthropique? Dans l’immédiat, il devrait y avoir une annonce importante dans le prochain budget fédéral concernant le contingent des versements. Le contingent des versements constitue le pourcentage minimum d’actifs que les organismes de bienfaisance doivent subventionner ou les fonds qu’ils doivent verser à des programmes chaque année. Le pourcentage est actuellement à 3,5 % et le gouvernement a annoncé son intention de l’augmenter. FPC recommande une hausse à 5 % ainsi qu’un examen périodique et une transition raisonnable vers le nouveau programme. Bien que le contingent des versements s’applique à tous les organismes de bienfaisance, il est particulièrement pertinent pour les fondations en raison de leur modèle d’exploitation conçu habituellement pour fournir des actifs de bienfaisance, avec une portion de revenus subventionnés chaque année. Les conditions propices à la mise en œuvre doivent être respectées pour garantir des résultats équitables dans tout nouveau programme de contingent des versements. L’une des principales occasions pour s’assurer que le contingent des versements ait une réelle influence est le projet de loi S-216, qui a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes après avoir été adopté à l’unanimité au Sénat en février. Intitulé Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance, cette loi réduirait les obstacles et permettrait d’instaurer des règles équitables pour les projets à impact social sans statut d’organisme de bienfaisance, mais qui exercent une activité caritative – des initiatives qui sont souvent dirigées par des communautés marginalisées habituellement sous-financées par la philanthropie. Un autre domaine important auquel le gouvernement doit accorder sa priorité est les investissements avec impact incitatif, qui constituent des investissements ayant un rendement à la fois social et économique. Le secteur pourrait ainsi débloquer des milliards de dollars. Et le gouvernement doit pallier notre lacune en matière de données afin que nous sachions où vont les fonds, où sont les besoins les plus criants, quelle est l’incidence de notre travail et quelles sont les mesures correctives nécessaires. Ce sont toutes des questions de politique très réalisables qui pourraient être abordées maintenant. S’y attaquer permettrait de réformer de façon considérable le secteur de la bienfaisance, et cela aurait une incidence sur tous les Canadiens. Complétez ces phrases : LE SECTEUR PHILANTHROPIQUE DE L’AVENIR DEVRAIT ÊTRE SEMBLABLE… Au Canada! Un secteur plus représentatif mènerait sans aucun doute à une société civile plus inclusive, prospère et équitable. POUR QUE LA PHILANTHROPIE RENOUVELLE SON CONTRAT SOCIAL AVEC LES CANADIENS, IL FAUT… Que nous passions de la parole aux actes pour créer un monde plus juste, équitable et durable. Et nous devons accepter qu’il soit possible que nous trébuchions en cours de route. Je crois fermement que les fondations sont dirigées par des gens de bonne foi qui souhaitent réellement améliorer les choses. Les principes sur lesquels repose notre travail à FPC pour aider au renouvellement du contrat social en matière de philanthropie sont les suivants : Nous formons un réseau qui active le pouvoir des gens de façonner leur communauté et de protéger l’environnement naturel.Nous adoptons une vision à long terme et demeurons engagés pour avoir un impact significatif.Nous faisons preuve de pragmatisme et d’adaptabilité dans la création d’espaces permettant aux fondations d’agir et d’apprendre en collaboration.Nous partageons la responsabilité de bâtir une communauté philanthropique inclusive reposant sur la confiance et le respect. Le racisme systémique et la discrimination minent nos efforts.Nous nous employons à renforcer les relations avec les peuples autochtones et à promouvoir la justice raciale et l’équité pour tous.Nous sommes des intendants responsables de la richesse et d’autres ressources pour soutenir les organismes de bienfaisance sans but lucratif et de bienfaisance qui sont nos partenaires. Notre action collective sert le bien commun de façon transparente et non partisane.Nous apprenons continuellement à concrétiser ces engagements dans nos pratiques de façon créative et constructive. Jean-Marc Mangin est président-directeur général de Fondations philanthropiques Canada (FPC). Pour en savoir plus, visitez pfc.ca. Share This Article Facebook Twitter LinkedIn Email
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