Blogue invités Agir avec courage et clarté : le rôle de la philanthropie pour réparer un monde fissuré Arti Freeman Blogue invités 9 mins read 17 Avr 2025 Nouvelles et perspectives Blogue invités Agir avec courage et clarté : le rôle de la philanthropie pour réparer un monde fissuré Arti Freeman, présidente et directrice générale de la Fondation Definity Assurance, fait part de ses réflexions sur le Forum mondial Skoll 2025 Le Forum mondial Skoll traitait cette année d’un éventail de dossiers urgents, comme le climat, la résilience économique, l’égalité des genres et l’érosion démocratique, et, dans bon nombre de conversations, il a été question du rôle de la philanthropie. Le thème du Forum, le kintsugi – l’art japonais consistant à réparer les poteries brisées avec de l’or – constituait un puissant symbole rappelant que la beauté ne réside pas dans la perfection, mais dans l’honneur qu’on accorde à des objets fissurés en choisissant de les réparer soigneusement. J’en suis revenue avec un message clair : la philanthropie a un rôle à jouer dans ce projet de réparation, mais nous devons absolument agir avec courage, avec clarté et avec une perception partagée de la finalité. Partout dans le monde, les fissures s’élargissent : la démocratie s’étiole, les institutions perdent confiance, et les inégalités se creusent. En Afghanistan, les filles n’ont pas droit à l’éducation. Au Congo, la violence envers les femmes persiste. La crise climatique s’accélère. Et pourtant, dans un geste réparateur, il y a de l’espoir. Au Forum mondial Skoll, l’observateur politique, humoriste et écrivain renommé Trevor Noah nous a rappelé qu’il est essentiel d’avoir de l’imagination pour créer des mondes qui n’ont jamais existé. L’espoir n’est pas un simple rêve, c’est une action volontaire. Comme l’a affirmé le président et directeur général de la Fondation Ford Darren Walker, « Le choix d’abandonner serait un déshonneur envers tous les efforts [de nos ancêtres]… ». L’espoir, c’est s’engager à créer un avenir fondé sur la justice et l’équité – et abattre au quotidien le travail nécessaire pour y parvenir. Si la philanthropie veut exercer un impact, nous devons prendre plus de risques, au lieu de nous replier dans la sécurité Si la philanthropie veut exercer un impact, nous devons prendre plus de risques, au lieu de nous replier dans la sécurité. Il nous faut de nouveaux partenariats, de nouvelles façons de faire et une plus de collaboration. Certains bailleurs de fonds apportent déjà des changements. La Fondation MacArthur a augmenté son taux de versements à 6 %, consciente que les crises actuelles exigent un financement urgent et substantiel. La Fondation Gates vise davantage le renforcement des compétences et du leadership dans les communautés. D’autres investissent dans des projets ambitieux, comme l’infrastructure publique numérique, qui pourraient aider à relever les défis mondiaux par de nouveaux moyens. Enfin, d’autres fondations se sont même dotées d’un calendrier pour décaisser leurs fonds, car elles voient l’urgence des crises actuelles. L’avenir ne consiste plus à durer pour toujours, mais plutôt à intervenir dans ce qui importe maintenant. Dans un monde confronté à une hausse de l’inégalité et de l’instabilité, le groupe de discussion sur la prospérité partagée a présenté les défis mondiaux comme des occasions à saisir : l’investissement axé sur la mission a été mis en évidence comme instrument d’impact essentiel. Difficultés économiques, intelligence artificielle et technologie sont tous des thèmes dont on a entendu parler et qui pourraient servir de points de départ pour d’éventuelles occasions à saisir, comme encourager l’actionnariat des employés, réduire les obstacles à l’emploi, et aider les personnes qui réintègrent le marché du travail à trouver des pistes pour aller de l’avant. Mary Robinson, la première femme présidente de la République d’Irlande et cofondatrice du Projet Dandelion, et Christiana Figueres l’ont dit clairement : la justice climatique, c’est la justice, tout simplement. Les personnes en situation de pauvreté sont les plus vulnérables aux effets des changements climatiques, et il nous faut une transition juste, de manière à ne pas laisser pour compte les travailleurs de l’industrie des combustibles fossiles. Nous devons suivre des modèles de leadership féministes non hiérarchiques. Ce n’est pas simplement une bonne politique, mais bien un droit humain fondé sur la dignité et l’équité. L’espoir est souvent qualifié de vague ou d’irréaliste, mais je me suis fait rappeler que l’espoir véritable est fort. Christiana Figueres parle d’un « optimisme entêté », d’avoir la conviction qu’on peut façonner l’avenir, en dépit des difficultés. L’espoir, c’est regarder un système brisé en se disant qu’on va le réparer quoi qu’il en soit. En philanthropie, l’optimisme ne peut pas seulement être une impression. Il doit s’agir d’un plan. On peut s’attaquer à tout problème ou presque en alliant créativité, capital et volonté, mais le véritable changement passe par l’établissement de collectivités fortes et unies et l’assurance que la recherche de solutions soit confiée aux personnes les plus touchées. L’espoir, ce n’est pas faire semblant qu’une chose n’est pas brisée, c’est choisir de la réparer. L’optimisme, ce n’est pas ignorer les fissures, c’est utiliser de l’or pour les colmater. Le rôle de la philanthropie Le secteur philanthropique, s’il veut avoir du poids, doit accepter ce mandat. Il doit reconnaître ce qui est brisé, s’associer aux militants pour la justice, prendre la parole, demeurer attaché à la cause, peu importe les obstacles. Je pense aux incroyables entrepreneurs sociaux que j’ai rencontrés au Forum mondial, et à leur ferme détermination à générer du changement. Leurs solutions suivent un modèle ascendant : encourager une pêche responsable et une agriculture regénératrice, restructurer les marchés, offrir la possibilité aux travailleurs de se constituer un patrimoine intergénérationnel, remédier à l’inégalité entre les genres, et donner plus de voix aux groupes sous-représentés. Comme on l’a entendu parmi les lauréats des prix Skoll, « quand des voix diverses s’expriment à l’unisson, les systèmes changent ». Ce sont des mouvements comme ceux-là qui, activement, refaçonnent notre monde. Au fil des interventions entendues au groupe de discussion sur la philanthropie, à la plénière avec Darren Walker de la Fondation Ford et Mark Suzman de la Fondation Bill et Melinda Gates et lors des autres séances, j’ai constaté qu’on nous invitait à relever les défis de notre époque avec détermination. Voici quelques points essentiels qui ont notamment attiré mon attention : Le secteur philanthropique doit faire preuve de courage, de clarté et d’engagement pour accompagner les communautés qui militent pour la justice et le changement. Ce n’est pas seulement le montant des subventions qui compte, c’est aussi notre capacité d’écoute. Écouter, c’est s’ouvrir au changement, échanger des forces et respecter nos partenaires. Autrement, le discours sur l’équité n’est rien d’autre que de belles paroles. Tout ne tourne pas seulement autour du financement flexible, bonifié ou à long terme; il faut aussi écouter les collectivités ayant l’intention d’agir et investir dans les personnes et les solutions qu’elles proposent. Il est crucial d’établir une collaboration transsectorielle et de soutenir les cadres juridique, stratégique et de plaidoyer. Il pourrait notamment être nécessaire de financer des recours juridiques contre des lois injustes ou de soutenir des mouvements communautaires de défense de réformes d’égalité des genres, des droits des travailleurs ou de justice climatique. La philanthropie peut façonner les principes éthiques qui régissent les nouvelles technologies, en veillant à ce que des innovations comme l’intelligence artificielle servent le bien commun et en remodelant les stratégies de financement de manière à soutenir les modèles de gouvernance fondamentaux qui prépareront les régions à adopter ces mesures d’innovation. Le secteur philanthropique doit être humble et résister à la tentation de prescrire des solutions plutôt que d’unir ses forces à celles des communautés et de ses partenaires pour trouver des solutions. Nous devons redoubler d’efforts en période de crise et profiter de l’occasion pour innover et collaborer. L’exploration de solutions financières mixtes et l’établissement de partenariats avec des ressources locales peuvent maximiser l’impact et contribuer à un changement systémique à long terme. La philanthropie doit se concentrer sur son objectif ultime : travailler avec ses alliés, agir en solidarité et collaborer davantage pour créer un changement durable. En repartant d’Oxford, je garde en tête les conversations que j’ai eues et les personnes que j’ai rencontrées. Le véritable travail de terrain – le travail dur, souvent invisible – est réalisé par les leaders communautaires, les activistes et les organisateurs qui baignent dans les réalités dont nous parlons en salle de conférence. Notre rôle n’est pas de nous mettre au cœur de leur quotidien, mais bien de faire preuve d’humilité et d’un sens aigu du devoir, c’est-à-dire accompagner, fournir des ressources, écouter, faire confiance, apprendre et amplifier. Dans ces moments, le secteur philanthropique peut être transformateur en distribuant le pouvoir, en rendant possible l’avancement et la durabilité, en bâtissant des infrastructures sociales et relationnelles et en agissant comme catalyseur pour les autres. À la suite de mes réflexions, je me pose les questions suivantes : Quel rôle sommes-nous véritablement prêts à jouer dans un moment comme celui-ci? Comment peut-on, dans nos cercles habituels, stimuler un changement véritable et durable? À quoi ressemble la philanthropie lorsqu’on cesse de parler de « dons » et qu’on commence à parler plutôt de cocréation, d’accompagnement et d’investissement dans des solutions que les communautés mettent déjà en place? Les fissures sont bien présentes. Comment choisirons-nous de les colmater? Share This Article Facebook Twitter LinkedIn Email
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