Blogue invités Tarifs douaniers américains : apprivoiser l’imprévisible Yanick Desnoyers Blogue invités 8 mins read 17 Mar 2025 Nouvelles et perspectives Blogue invités Tarifs douaniers américains : apprivoiser l’imprévisible FPC est fière de son partenariat avec Addenda Capital, qui met à profit son expertise pour développer les connaissances et favoriser l’apprentissage vers l’atteinte de nos objectifs stratégiques communs. En réaction aux décisions instables qu’enchaîne le président américain Donald Trump depuis sa réélection, l’investisseur moyen aura le réflexe de remettre en question sa stratégie. L’incertitude qui résulte d’une telle gouvernance est exacerbée par les divergences comportementales des deux économies nord-américaines. Plutôt que de céder à l’impulsion, les investisseurs ont tout intérêt à comprendre de quelle façon le contexte socioéconomique actuel agit sur les marchés. Vision trouble ou vision double Affirmer que les politiques douanières de l’administration Trump suscitent une certaine inquiétude sur les marchés financiers relève de l’euphémisme. Leur incidence sur la croissance du PIB réel et les scénarios d’inflation, ainsi que sur la réponse probable des banques centrales, causent des maux de tête aux parties prenantes de l’économie. Si cette instabilité brouille les perspectives, elle met également en lumière les contrastes entre les d’économies de part et d’autre de la frontière canado-américaine. Remarque : Les scénarios décrits ci-après s’appuient sur les intentions les plus clairement formulées par l’administration Trump au moment d’écrire ces lignes. Une question de proportions Affichant des ratios exportations/PIB et importations/PIB de 11 % et 14 % respectivement, l’économie américaine est une grande économie fermée. L’imposition de tarifs douaniers américains supplémentaires de 10 % sur les importations en provenance de Chine et de 25 % sur celles en provenance du Mexique et du Canada, même en excluant le secteur automobile, augmenterait l’inflation aux États-Unis d’environ 0,5 point de base en glissement annuel, mais de seulement 0,2 point de base en moyenne annuelle cette année. Conjugué aux mesures de représailles déjà annoncées par les partenaires commerciaux des États-Unis, ce choc inflationniste ne suffirait pas à provoquer une récession aux États-Unis, mais entraînerait plutôt un ralentissement économique. L’incidence serait plus importante pour l’économie canadienne en raison de sa plus petite taille et de sa plus grande ouverture. Sans même tenir compte du secteur automobile, le choc sur les exportations suffirait pour provoquer une récession de l’économie canadienne. Certains de nos calculs indiquent que la croissance réelle du PIB enregistrerait plusieurs trimestres consécutifs de croissance négative, puisque le Canada perdrait des parts de marché aux États-Unis. Cette situation impliquerait un ratio exportations/PIB plus faible, même à long terme. Les premières secousses L’emploi serait d’abord touché dans les secteurs axés sur l’exportation, puis d’autres industries subiraient des répercussions, ce qui entraînerait une hausse non négligeable du taux de chômage. En réaction à ce choc du marché du travail, la croissance de la consommation deviendrait alors négative. Selon un tel scénario, c’est-à-dire au moment d’écrire ces lignes, sachant que les tarifs douaniers pourraient être levés ou non à tout moment, la Banque du Canada choisirait de protéger l’économie canadienne en essayant de limiter le revers de conjoncture. Consciente que l’inflation est un indicateur retardé, elle devrait très probablement assouplir sa politique monétaire de manière agressive par rapport au taux directeur actuel de 2,75 %. Remarque : Le tableau ci-dessus compare certains indicateurs économiques selon deux scénarios établis au moyen des informations dont nous disposions au moment d’écrire le présent article. Il va sans dire que le contexte pourrait changer au fil des annonces de l’administration américaine. Ce scénario économique très particulier donnerait lieu à une situation inédite dans l’histoire de l’après-guerre, comme nous le verrons plus loin. Habituellement, un déclin économique canadien résulte principalement d’une récession aux États-Unis. Dans le scénario observé, il s’agirait d’une récession canadienne sans la fin d’un cycle économique aux États-Unis, puisqu’elle résulterait d’une politique gouvernementale américaine liée aux tarifs douaniers. Qu’en est-il de la composition de l’actif? Sans la levée des tarifs douaniers et en supposant que ceux-ci soient maintenus pendant une période suffisamment longue, cette dynamique aurait une incidence profonde sur la répartition optimale des actifs cette année. Un repli économique est toujours synonyme de récession des bénéfices. Par conséquent, les actions canadiennes subiraient un coup plus dur que les actions américaines lorsque les marchés prendraient conscience que l’économie canadienne entre réellement en récession, puisque les données économiques concrètes se révéleraient beaucoup plus faibles que prévu. De plus, les marchés n’anticipent pas actuellement une récession à part entière au Canada, ni un écart soutenu entre les taux directeurs de la Réserve fédérale et de la Banque du Canada, qui cadrerait avec une telle récession canadienne en vase clos. Étant donné que le Canada ne devrait pas adopter de stratégie de tarifs douaniers généralisés sur les importations en provenance des États-Unis, contrairement au gouvernement américain, l’effet inflationniste au Canada devrait être moins important et ne toucher que certaines catégories de biens. Par ailleurs, un assouplissement monétaire agressif au Canada sans contrepartie de la Réserve fédérale, dans un contexte de légère remontée de l’inflation aux États-Unis, aurait également des répercussions importantes sur les écarts de taux d’intérêt entre le Canada et les États-Unis, notamment sur la tranche à court terme du marché obligataire canadien. Alors que la courbe des taux canadienne est déjà plus basse que la courbe américaine, une récession au Canada, qui n’est pas encore pleinement prise en compte en raison d’une trop grande incertitude quant à l’avenir, se traduirait par une nouvelle hausse de la juste valeur du marché obligataire canadien (ou une baisse des taux sur l’ensemble de la courbe). Cela signifie que les écarts de taux d’intérêt avec les États-Unis pourraient s’avérer encore plus importants que les écarts actuels. Tirer des leçons et saisir des occasions Quelles que soient les prochaines mesures de l’administration Trump en matière de politiques douanières, nous observons déjà les premiers effets de la guerre commerciale sur l’économie. L’incertitude qui en découle nous rappelle qu’aucun pays ne sort gagnant de telles hostilités. Rappelons toutefois que l’urgence donne souvent lieu à des occasions, comme celle de solidifier le commerce interne à l’échelle du Canada et de diversifier nos relations économiques à l’étranger. Notons aussi que la réalité économique a souvent tendance à rattraper les oppresseurs, comme ce fut le cas par le passé. On doit remonter au lendemain du krach boursier de 1929 et à l’adoption de la loi américaine de Hawley-Smoot par le gouvernement Hoover pour assister à une telle poussée de protectionnisme aux États-Unis. À l’époque, Henry Ford avait d’ailleurs fait pression auprès du président pour le dissuader de signer cette loi. L’histoire ayant tendance à se répéter, les trois plus importants constructeurs automobiles américains ont récemment fait pression auprès du président Trump pour lui demander d’exempter le secteur automobile des tarifs douaniers. L’exemption qui leur a été accordée nous rappelle que malgré les coups durs encaissés par les marchés, leur influence demeure immuable auprès des décideurs politiques. Share This Article Facebook Twitter LinkedIn Email
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